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Le témoignage d’un ancien pilote de ligne

Ce que l’aviation a changé dans notre monde...
et changera encore

I. Avertissement:

J’ai mis longtemps à me faire à l’idée que le métier que j’avais exercé pendant vingt-neuf ans avec un plaisir gourmand était un des facteurs importants de la destruction de notre environnement physique et social. Cette brève approche, qui ne découle pratiquement que de ma réflexion, est peu chiffrée, mais pourrait l’être mieux pour peu que des gens compétents s’y attachent. Elle ne sera pas diffusée partout et surtout elle restera, j’espère, peu connue de mes anciens collègues car je tiens à leur amitié et je serais triste de me trouver au ban de la profession, sinon en butte à leur détestation définitive. Pourtant, certains de ceux-ci, amis proches à qui j’ai parlé du sujet, sont d’accord avec mes thèses.

II. Historique:

J’ai eu le bonheur d’exercer pendant 29 ans le plus beau métier du monde. J’étais pilote de ligne. Quoi de plus prestigieux et de plus merveilleux que celui-là (à part celui de marin bien sûr).

Déjà petit, à mon école primaire de Schaerbeek, certains après-midis d’avant la guerre, on entendait un avion décoller d’Evere (qui n’était vraiment pas loin) et qui, après nous avoir survolés, était suivi du sifflement très caractéristique du Savoia-Marchetti 73. Alors, tout le monde se taisait religieusement pour entendre passer le progrès et l’un d’entre nous murmurait: « C’est l’avion du Congo ».

C’était peut-être celui-là, ou bien un autre, mais « l’avion du Congo » nous faisait tourner la tête dans des rêves d’évasion, d’aventures, de merveilles... Lorsque je suis devenu pilote, en 1954, l’avion du nouveau temps de paix était encore un lien entre les peuples, un vecteur de prospérité, un canal du savoir et de la science. Un auxiliaire du bien-être, et tout et tout... L’avion avait toutes les vertus.

Les communications n’étant pas celles d’aujourd’hui. Il n’y avait pas d’e-mail, pas de fax, les communications téléphoniques internationales étaient pénibles, lentes et hors de prix, le télex était réservé aux spécialistes. Grâce à nous, les « chevaliers du ciel » d’alors, les hommes d’affaires pouvaient se rendre à l’autre bout de l’Europe, prendre contact personnellement avec leurs interlocuteurs et revenir le lendemain. Les hommes de science se rendaient à des congrès pour confronter leur savoir et leurs découvertes. S’il le fallait vraiment, au lieu de passer cinq à dix jours sur un paquebot pour traverser l’Atlantique, on pouvait prendre l’avion qui, en 25 heures de vol et trois escales, vous conduisait à New York ou à Léopoldville le lendemain du départ. Les passagers, en ce temps, étaient dorlotés, nourris des plus fins produits de la gastronomie de luxe par un personnel stylé, prévenant et infatigable.

Mais ce trajet rapide avait un coût qui était en rapport avec celui de la technique et du savoir-faire de ses employés.

Une liaison rapide Bruxelles - New York, en 1955, coûtait 42.000 francs belges de l’époque. Si on fait l’équivalence avec la monnaie actuelle, ce voyage aurait valu 10.500 euros!

Mais, pour transporter une cinquantaine de passagers, il fallait une machine coûteuse, cinq personnes hautement qualifiées dans son cockpit et trois autres merveilleusement stylées dans la cabine. Les sièges étaient confortables et les grands pouvaient caser leurs jambes sans s’écraser les genoux dans le siège de devant. Ils ne devaient pas non plus passer le coude au-dessus ou en dessous de celui de son voisin pour touiller dans son plateau repas. Les couverts étaient en métal, les verres en verre, et il arrivait même que, dans les vols de luxe, la vaisselle soit de porcelaine aux armes de la compagnie. Ce prix n’était pas loin du coût réel de l’opération. On est loin des 320 euros que certaines compagnies demandaient pour un aller-retour Bruxelles - New York dans les années 1990.

L’apogée de ce système vint avec le Douglas DC 7 qui utilisait l’ultime développement des moteurs à pistons. Le rendement thermique de ceux-ci (le rapport de la puissance reçue par l’hélice avec la puissance théorique que contient chaque kilo de combustible utilisé) était phénoménal: 33% au décollage et plus de 20 % en régime de croisière. Nous nous prenions pour les champions de l’économie d’énergie! Par comparaison, une locomotive à vapeur en bon état pouvait espérer 6 % des calories émises par la combustion de leur charbon, transmis à l’axe des roues motrices. La consommation totale d’un DC7, pour un vol de douze à quinze heures tournait autour de 22 à 24 tonnes d’essence hautement raffinée (115/145 octanes), dont la proportion brûlée était très proche de l’optimum. Mis à part l’émission inévitable de CO2, les résidus étaient minimes et étaient surtout composés d’eau. Il y avait tout de même pas mal de plomb. Le nombre d’avions de ligne ou d’avions-cargos qui sillonnaient notre ciel était infime par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui. Souvent même ceux-ci étaient mixtes et transportaient pour moitié des passagers et pour l’autre moitié du fret.

1. Tableau bucolique des temps héroïques:

L’aérodrome de Melsbroek ressemblait à une grande villa. Un balcon permettait aux proches des vaillants voyageurs de les saluer au moment où, passant par la seule porte du tarmac, ils se rendaient à pied vers leur avion. Il était même possible de leur parler et de leur lancer des fleurs ou un cadeau! D’ailleurs, les emplacements d’avions n’étaient pas bien nombreux. Dans mon souvenir il y avait place pour une douzaine d’appareils, pas plus. A l’arrivée d’un avion, un photographe prenait un cliché de chaque voyageur à sa descente sur la passerelle, dans la posture qu’il désirait. Peu de gens refusaient ce beau souvenir et ses affaires étaient florissantes. Une guinguette était située le long du tarmac et n’en était séparée que par une balustrade métallique que l’on pouvait enjamber sans problème. Et c’est le long de cette barrière que les Russes de l’Aeroflot garaient leur tout nouvel engin à réaction, le Tupolev 104, qui y passait la nuit une ou deux fois par semaine, comme s’il était à la garde du patron du bistro!

Les curieux et les promeneurs se pressaient le long de la barrière de la guinguette ou du balcon qui était ouvert à tout le monde. Ils admiraient les belles machines volantes... et les héros qui les manœuvraient. Il leur fallait parfois attendre une heure pour voir un décollage ou un atterrissage car il y avait des heures creuses. En fin de matinée, on risquait de ne rien voir du tout sinon les tracteurs qui remorquaient des petits trains de chariot remplis de bagages ou de fret. Parfois un DC 3 d’entraînement faisait des tours de piste pour apprendre aux jeunes pilotes l’art de l’approche sans visibilité. L’après-midi, peu de choses se passaient jusqu’à 17 heures. L’aérodrome de Londres - Heathrow était le plus grand de son espèce. Il faisait figure d’énorme usine alors que Bruxelles - Melsbroek ressemblait à un petit atelier de PME! Il n’y avait pourtant qu’un seul bâtiment que l’on appelle aujourd’hui « terminal ». Il accueillait tous les types de vols: lignes intérieures, européennes, long-courriers et même le transport de marchandises. Le fret nocturne se limitait à une demi-douzaine de DC3 et C46 qui apportaient plus de poste que de colis. C’est là que je fis mes premières armes comme commandant. Je passai un grand nombre d’heures nocturnes sur les divans du grand hall, en attendant la fin du chargement de retour. On transportait en ce temps des sacs postaux, des fleurs, des poussins, des pièces détachées urgentes et assez souvent de l’or en caisses. J’ai même eu des grenouilles vivantes en cageots. Les vols de nuit étaient rares, le ciel était à nous, les cargos et les rares long-courriers. Peu d’avions prenaient l’air entre 23 heures et six heures du matin, et personne ne se plaignait du rare bruit qui faisait rêver plus qu’il ne dérangeait.

2. Au fil des ans, les choses ont bien évolué.

La venue de l’avion russe en 1955 fut le départ d’un bouleversement. De ce jour, il fut admis qu’un engin volant puisse faire un bruit à assourdir les nains de jardin. Il fallut aussi que le trafic normal des avions à hélice s’abstienne d’être dans le chemin de cet objet qui tenait plus de la pyrotechnie que de l’art de voler. Toute la circulation aérienne était interdite dans le ciel de la Belgique pendant le quart d’heure qui précédait sa venue. Heureusement, nous n’étions pas nombreux dans le ciel en ce temps... et personne ne s’aventurait aux altitudes qu’il empruntait. Dix ans plus tard, c’est l’inverse qui arriva. Mon DC 3 était devenu l’intrus dans les azurs et je devais céder la place à ces bolides presque incontrôlables. Puis, petit à petit, apparurent les premiers exemplaires des avions à réaction. Les Caravelles françaises, les Boeing 707 et 727 américains qui laissaient une traînée noire et sale au décollage. Ils occupèrent de plus en plus les couloirs aériens qui nous étaient réservés auparavant et la non-concordance des vitesses fut à l’origine d’innombrables conflits. L’arrivée à New York était une épreuve par sa complication.

Tous ces nouveaux avions utilisaient du gasoil, exactement pareil à celui qui alimentait mon chauffage, mais sa combustion incomplète et les résidus nombreux, dont du soufre, étaient répandus dans l’atmosphère à des altitudes beaucoup plus élevées que celles qu’empruntaient les anciens avions. Ils volaient près de la troposphère sur les continents proches des tropiques et carrément dans la stratosphère dans les régions tempérées et arctiques.

3. Cela s’emballe, les prix chutent.

Les compagnies aériennes qui avaient commandé ces engins avaient, en quelques mois, doublé ou même triplé le nombre de sièges offerts sur les mêmes lignes et multipliaient par deux la vitesse des liaisons. Une même machine pouvait faire en 24 heures un voyage transatlantique et son retour! Mais le nombre de clients nantis, qui étaient notre fond de commerce traditionnel, n’avait pas crû en proportion. Les avions nous paraissaient vides.

Il fallait donc attirer les récalcitrants et les appâter par des incitants. On força l’OACI à revoir la réglementation des tarifs et c’est ainsi que les prix des voyages aériens chutèrent considérablement. De plus, pour remplir leurs nouvelles machines, les compagnies vendirent aux agences de tourisme des lots de sièges qu’elles étaient certaines de ne pas pouvoir vendre elles-mêmes, à un prix très inférieur au coût réel d’exploitation, libre aux agences de rentabiliser les places achetées. La mécanique publicitaire effrénée se mit en place.

Comme les mises de fonds pour l’achat du nouveau matériel étaient énormes, il fallait récupérer rapidement une partie de ces sommes dans l’attente d’une rentabilisation. Même si le prix du fuel qui remplaçait l’essence hautement raffinée avait chuté.

Le pli était pris et les globe-trotteurs du dimanche se ruèrent sur les offres de voyages à bon marché pour pouvoir s’encanailler dans les pays exotiques, alors qu’auparavant ils ne visitaient pas les Ardennes. Dix ans plus tard, la sortie sur le marché et la généralisation des très gros porteurs, comme le Boeing 747, doubla, tripla ou quadrupla de nouveau le nombre de sièges offerts.

4. Progression des performances:

En raccourci, l’évolution de l’aviation commerciale en vingt-cinq ans se résume par la comparaison des poids, du nombre de sièges offerts et des vitesses des appareils de l’époque:

Années 1946-1954: DC3: 26 passagers, 275 km/h, (335 kg d’essence à l’heure);

Années 1971-1990 et suivantes: Bo 747: 450 passagers, 900 km/h (M..82). (10 tonnes de gasoil à l’heure).

En vingt-cinq ans, un siège d’avion était passé du statut d’objet de luxe raffiné à un strapontin temporaire et étroit qui devait recevoir le plus grand nombre de fesses dans le temps le plus réduit, sans tenir compte de la carrure et de la longueur des cuisses des passagers qui dépassaient la norme.

III. L’aviation gaspille, détruit et pollue.

1. L’aviation gaspille:

On peut imaginer le poids qu’un avion peut enlever et la puissance que l’on demande à ses moteurs pour tirer dans le ciel toute cette ferraille et son contenu. Ne parlons même pas de vitesse, alors que c’est toujours à cette vitesse qu’on se réfère pour justifier l’énorme dépense d’énergie et l’impérieuse nécessité de transporter au plus vite des biens dont la venue est urgente.

Mais, trouve-t-on normal que les crevettes qui sont vendues à la minque d’Ostende soient acheminées au Maroc pour être épluchées puis renvoyées en Belgique avant de se retrouver dans nos grandes surfaces? N’y a-t-il pas comme un défaut?

Il est tout à fait étonnant que l’on accepte une telle gabegie de combustible non renouvelable pour le transport d’une unité de poids (marchandises ou personnes) sur une unité de distance en gagnant des unités de temps dont on ne fera souvent rien du tout. Les pommes de Nouvelle-Zélande concurrencent actuellement la production indigène. Où est le gain du transport de machines, de meubles, de tissus, etc.? Souvenons-nous que le Président Mobutu fit venir, en 1971, les grilles de fer forgées de sa résidence de Kinshasa par avion! J’ai même vu du minerai de coltan être transporté par avion au Ruanda.

Pendant ce temps, un navire cargo ordinaire, en une douzaine de jours, charge entre dix et vingt mille tonnes, en dépensant par jour ce que consomme par heure l’avion qui le survole.

2. L’aviation jouit d’un traitement de faveur injustifié qui en fait un concurrent imbattable

Les hydrocarbures consommés par l’aéronautique sont détaxés partout dans le monde, ce qui fait que la concurrence avec les transports classiques est tout à fait déséquilibrée. Cette détaxe a été instaurée au sortir de la seconde guerre mondiale pour « promouvoir le développement de l’aviation civile ». Ce développement est terminé, je crois, avec des résultats plus extraordinaires qu’espérés, mais son « aide au développement » subsiste!

Le président français, Monsieur Jacques Chirac, a suggéré timidement en janvier dernier, à Davos, avec une retenue qui est tout à son honneur, que l’on pourrait taxer « un tout petit peu » le fuel d’aviation pour aider à financer la lutte contre le SIDA. Ce serait de l’ordre du pour cent, du genre « taxe Tobin » (qui n’est toujours pas appliquée). Horreur, s’écrièrent les tenants du « libre échange », les Etats-Unis n’accepteront jamais une pareille atteinte au profit et cela mettrait l’aviation européenne dans une situation défavorable.

On tourne en rond.

Mais souvenons-nous pourtant que l’agriculteur doit payer le mazout de son tracteur au prix plein alourdi des taxes. De même que le batelier, le camionneur et les bus de transport public aussi. Les chemins de fer ont abandonné la traction diesel sur les lignes de voyageurs parce que le fuel était trop dispendieux. Les Français détaxent en partie certains fuels professionnels, mais risquent gros avec les règles de la concurrence internationale des commissions onusienne et européenne.

Seule l’aviation jouit de cette détaxe! Que coûterait une pomme lorsqu‘elle vient d’Afrique du Sud si elle nous était apportée par un avion utilisant un gasoil taxé? Concurrencerait-elle encore la pomme venant par camion du pays voisin?

3. L’aviation pollue l’environnement immédiat:

Par expérience personnelle, je sais que lorsqu’un avion doit interrompre son voyage après une difficulté survenue pendant ou après le décollage, il ne lui est permis de revenir à son lieu de départ que lorsqu’il se sera délesté de l’excédent de combustible qui dépasse son poids maximum à l’atterrissage. Il ne peut absolument pas continuer sa route.

Dans ce cas, en Belgique, on le dirige dans un circuit virtuel qui va du Zoute à Kleine Broghel (près de Hasselt). Il adopte une altitude de 5.000 pieds (1.525 m) et vide lentement dans l’atmosphère les quelques dizaines de milliers de litres d’excédent de combustible. Dans le cas d’un Boeing 747, partant pour un vol long courrier, cela peut faire cinquante à soixante mille litres de kérosène qui retombent intégralement sur les terres cultivables, dans les jardins et les ruisseaux.

Mais si une cuve à mazout a une fuite et perd quelques dizaines de litres, on en parle dans les journaux et un procès-verbal pourra être dressé!

4. L’aviation pollue la terre dans son ensemble.

Aujourd’hui, il y a par an, 62 millions de vols au-dessus des Etats-Unis. Il y en a encore plus sur l’Europe mais je n’en connais pas le chiffre. 26 millions passent dans le ciel de la Belgique qui est, par sa position géographique, un point focal du trafic aérien européen et transeuropéen. Les uns vont d’est en ouest par la route appelée « Green One », les autres vont du nord au sud par la route « Red 7 ».

Aucune de ces machines ne consomme moins de 4 tonnes de kérosène (5.080 litres) à l’heure, ce qui suffit à chauffer une maison bourgeoise pendant un an et plus. Beaucoup dépassent les dix tonnes (12.700 litres). Tous passent au moins vingt minutes dans notre ciel et nous laissent le tiers de ces chiffres. A peine 15 % viennent atterrir ou décoller sur l’un de nos aérodromes et pendant les phases de décollage et la montée en altitude, ils dépensent une fois et demi à deux fois la consommation de croisière.

Tous les avions ne font pas des vols long courrier. Ceux qui font des trajets courts n’arrivent pas à une altitude suffisante pour être dans les conditions de rendement optimum de leurs moteurs et rendent à l’atmosphère l’excédent du kérosène mal brûlé.

Au-dessus de l’océan Atlantique (Nord), il y a en permanence une centaine de courriers qui sont à leur altitude optimum et larguent chacun un bon paquet de kilos de CO2 plus du mazout mal cuit, qui contient du soufre. Aux altitudes où ils se bousculent, ils sont tous dans la stratosphère, en position idéale pour pouvoir alimenter l’ire des écologistes. Si ceux-ci se sont gendarmés, ce n’est pas bien fort parce que je n’en ai pas entendu l’écho. J’ai plutôt l’impression qu’ils reprochent aux deux chevaux leurs petits pets malodorants. Pourquoi leur voix n’est-elle pas claironnante lorsqu’il s’agit de l’aviation civile? J’en ignore la raison. Pourtant, un avion pollue comme 2.à 4.000 voitures par unité de temps, selon leur puissance.

Mais, ces émissions de « gaz à effet de serre » ne sont pas comptabilisées dans les quotas de Kyoto. Et s’ils l’étaient, à quel pays pourrait-on les attribuer? Il ne semble pas que l’on s’en préoccupe.

5. Que s’est-il passé lors du « choc pétrolier »?

On pourrait croire que le choc pétrolier de 1973 aurait calmé l’expansion des vols commerciaux, mais il n’en fut rien. Le seul résultat fut que les compagnies, au lieu de pourvoir les avions confortablement de pétrole pour que les vols soient à l’abri d’événements imprévus, réglementèrent drastiquement l’approvisionnement et le limitèrent aux réserves légales: la consommation pour aller à la diversion la plus proche à une certaine altitude plus une demi-heure de vol à la puissance économique. En 1981, un avion américain s’est écrasé à Newark parce qu’on avait calculé la distance de sa diversion à vol d’oiseau. Mais le contrôle de New York lui a fait prendre un détour tel pour y accéder que l’avion s’est trouvé à court de carburant à un kilomètre et demi de la piste et... ils sont tous morts. Il y eut des jours où, dans les cockpits, les cheveux blancs guettent le personnel lorsque les prévisions météo ont été trop optimistes et que la traversée de l’océan nous prenait dix minutes de plus que prévu! Les compagnies avaient compté que chaque kilo de fuel non utilisé coûtait environ le tiers de son poids pour être transporté. Alors les directions des opérations des compagnies traquent les excédents non justifiés. Actuellement, la situation est toujours pareille.

Mais cela, c’est de la sécurité. C’est une affaire interne à ma profession. Cela ne devrait pas être abordé dans mon petit laïus.

6. La création indésirable de nuages:

Une étude faite dans les années 1990 - 1996 s’est intéressée aux traînées (appelées « contrails ») des avions vues à partir des satellites (Patrick Minnis, cité par Christian Science Monitor 29 juillet 1997).Elle a conclu provisoirement que ces « trails » déclenchent la formation de cirrostratus par la dispersion de fines gouttelettes d’eau et d’acide sulfurique issue de la combustion des fuels. Ce phénomène condense l’humidité ambiante qui est pourtant rare. M. Minnis travaille dans un département de recherche de la NASA. Son étude se poursuit actuellement, et les premiers résultats tendent à prouver que l’augmentation de la nébulosité à cette altitude empêche le refroidissement de l’atmosphère terrestre par rayonnement.

Voilà encore un facteur de réchauffement à laquelle on n’avait pas encore pensé!

Jusqu’ici, seule l’accumulation du dioxyde de carbone que les végétaux ne parviennent plus à absorber accaparait l’attention des écologistes.

7. Conditions inespérées d’expérience, suite aux attentats du 11 septembre 2001.

En confirmation du paragraphe précédent, une expérience unique eut lieu.

Pendant trois jours, plus aucun vol civil ne fut effectué sur le territoire des Etats-Unis, hormis, comme chacun sait, celui qui ramena la famille Ben Laden en Arabie Saoudite.

Jamais une occasion pareille n’aurait été rêvée par les scientifiques pour étudier l’incidence de l’aviation sur l’environnement. Aussi en profitèrent-ils.

Les premiers effets qu’ils constatèrent donnèrent lieu à une publication dont le titre est tout un programme: Je le traduis: « Variation des écarts de température du Sol américain pendant la Période du 11 au 14 septembre 2001 durant la Mise au sol des avions. », signé par les professeurs Travis, Carleton, Lauritsen des universités de Wisconsin, Pennsylvanie et Illinois. Le sous-titre est un rapport et une conclusion à lui seul: « Évidence de l’influence des jet contrails sur le climat ». Pendant le court temps de l’expérience, on aurait décelé un impact de l’ordre de plus d’un degré centigrade!

8. Le bruit.

Aux temps historiques de l’aviation, les décollages et atterrissages étaient rares la nuit et même interdits aux avions à réaction depuis les années 60 dans la plupart des aérodromes européens entre vingt-trois heures et six heures du matin. A cette époque trouvions que c’était une contrainte! Cela a tout de même évité à Bruxelles de subir cette terrible agression pendant deux décennies. Vous dirais-je ma gêne une nuit, en arrivant à Dar Es-Salaam vers les trois heures du matin. Le contrôleur qui m’avait pris en charge s’y était pris comme un manche. Il m’avait fait descendre bien trop tôt et bien trop bas dans ma procédure d’approche sans visibilité. Au final, j’ai dû traverser la ville dans toute sa longueur et je me suis traîné à 500 pieds (150 m), en configuration d’atterrissage, train et volets sortis, et les quatre réacteurs de mon Bo 707 rugissaient pour maintenir la machine en l’air à petite vitesse. J’ai dû réveiller trois à quatre millions de personnes, sourds compris. J’en rougis encore.

9. Quelles sont les solutions alors?

A mon sens, il n’y en a pas. Il est illusoire de réduire la nuisance infernale du bruit des avions. Que ce soit la fameuse « Route du Canal », qui est une plaisanterie de mauvais goût, ou la « dispersion », qui donne à tout le monde son quota d’insomnie, je ne vois que deux solutions: 1) déplacer l’aérodrome qui est particulièrement mal situé par rapport aux vents dominants qui viennent de la ville ... ou 2) déplacer l’agglomération bruxelloise!

Qui aura le courage de lever l’autorisation des vols nocturnes accordée à DHL en 1983?

Réduire par une procédure le bruit d’un avion lorsqu’il décolle, c’est mettre en péril l’appareil et ses passagers, sans compter les habitants des quartiers qui les recevraient sur la tête si les pilotes ne travaillent pas convenablement.

Pour vous en donner une idée, la Caravelle (cela ne date pas d’hier) était un avion particulièrement bruyant et les riverains de Zaventem s’en plaignaient, même pendant le jour. On nous fit alors utiliser une procédure qui consistait à arracher l’appareil du sol à la puissance de décollage et à peine étions-nous à 150 m d’altitude, nous devions réduire cette puissance en dessous de la puissance de croisière et on nous demandait de monter à une vitesse qui était celle de décrochage plus une vingtaine de km/h jusqu’à l’altitude de 600 mètres avant de pouvoir rouvrir les gaz, accélérer et monter normalement. A cette allure, il n’était pas question de virer ou de subir une grosse rafale sans risquer la « perte de sustentation ». Cette procédure nous a causé des frayeurs les jours où le vent était instable, traversier ou quand l’avion était lourd, ce qui était notre lot la plupart du temps.

Il faut choisir: la sécurité et le bruit ou... de nouveau: pas de trafic nocturne, et surtout pas de procédure à la noix qui forcerait les équipages à devoir adopter des pistes inadéquates. C’est aussi une mauvaise plaisanterie de croire que la politique peut obliger les pilotes à utiliser une piste plutôt qu’une autre si elle est mal orientée dans le vent, si elle est courte ou encore si elle n’est pas horizontale comme la fameuse piste 02/20 de Zaventem.

IV. L’aviation favorise la déstabilisation sociale:

1. Les dégâts involontaires des touristes dans les pays « émergents ».

Je donnerai peu d’exemples, mais ils sont légion. Dans les pays dits touristiques, l’argent facile que les visiteurs apportent, pervertit la vie locale. Il est évident que lorsqu’un pourboire donné pour un petit service équivaut au gain normal d’une journée de travail harassant, il ne faut pas espérer que ceux qui pourraient en profiter s’en abstiennent.

Lorsque la drogue s’en mêle, c’est la débâcle. Aujourd’hui, à Bali, il est dangereux de marcher pieds nus sur la plage car les seringues de drogues jonchent le sol, et les boîtes de nuit tonitruent et saoulent méthodiquement leurs clients, des Australiens pour la plupart. Les jeunes Balinais attirés par ce mode de vie perdent totalement leurs repères ancestraux. Fini l’accueil de l’étranger, finies les danses, finies les offrandes et l’entretien des temples. L’économie locale est bouleversée. Les vieux ne voient pas la relève, les champs sont délaissés et l’argent facilement gagné est vite dépensé en singeant le touriste.

On peut transposer cet exemple dans la plupart de lieux hautement « touristiques » qui attirent nos contemporains en mal d’exotisme. Dans les pays concernés, il se crée une société à deux niveaux qui regroupe, d’un côté, les nantis et les voyageurs, et, de l’autre, les autochtones qui ne peuvent qu’être spectateurs de ces largesses.

2. Comment en est-on arrivé là? Évolution de l’aviation durant les années de transition:

Dans la décennie qui suivit la deuxième guerre mondiale, au fur et à mesure que s’ouvraient les nouvelles lignes aériennes, celles-ci étaient considérées comme génératrices de luxe et le prix d’un passage était inabordable pour un voyageur ordinaire. L’aviation était réservée aux quelques personnes fortunées ou encore aux entreprises qui avaient intérêt à faire voyager rapidement leurs dirigeants ou leurs ingénieurs. On y trouvait des journalistes, des savants et des personnalités politiques dont la plupart avaient leur passage payé par leur journal, leur université, leur usine ou leur gouvernement Le tourisme lointain était rare. On ne se déplaçait que par obligation. Les bateaux transportaient surtout les immigrants, les hommes d’affaires économes, les artistes, les employés des grandes compagnies internationales, les fonctionnaires coloniaux et de riches « globe-trotteurs » qui avaient peur de l’avion.

Les liaisons Belgique - Congo en sont un bel exemple. Nos malles, celles qu’on appelait les « ville-boats » ne transportaient pratiquement personne d’autre que des fonctionnaires de la Colonie, des magistrats, des cadres et des employés de compagnies privées, des militaires de rang supérieur (les autres militaires voyageaient par des bateaux de transport de troupe comme le « Kamina »). De touristes: point!

Les tarifs aériens étaient réglementés et étroitement surveillés par des organismes internationaux dépendant de l’ONU, l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale).

Une pression extrêmement lourde des milieux libre-échangistes fit que l’on arriva à déréguler les tarifs des transports aériens dans les années 1975 ou 76. La plus grande compagnie mondiale, la Pan-American Airlines, fit la culbute peu de temps après.

Il fallait alors de l’argent frais pour acheter le nouveau matériel qui comportait beaucoup plus de sièges et permettait des rotations plus courtes par leur vitesse et leur rayon d’action accrus. On a alors revendu l’ancien matériel qui était encore en ordre de vol à des prix bien inférieurs au prix d’achat diminué de l’amortissement. De nouvelles compagnies dites « charters » en firent l’acquisition et firent immédiatement concurrence aux anciens propriétaires parce que leurs prix n’étaient pas soumis à la sanction de l’OACI. Elles offrirent, grâce à cela, des passages à des prix défiant toute concurrence. L’entretien de toute machine volante est très coûteux. Les rares finances de ces jeunes compagnies furent utilisées avec parcimonie, ce qui est louable. Mais cette parcimonie fut surtout orientée vers les dépenses de sécurité! Souvent, sinon toujours, les pièces détachées étaient prélevées sur des épaves, ou, pire, étaient des pièces dites « pirates », usinées à bon marché dans des pays pas trop regardants sur la qualité. Imaginez qu’un boulon d’attache moteur valait environs deux mille dollars pièce (quatre-vingt mille francs), il était donc tentant de s’en procurer à cent vingt-cinq dollars (cinq mille francs). Mais un moteur tient par trois ou quatre de ces boulons. On a vu un moteur de DC10 déchirer ses boulons d’attache au décollage en 1979.

Les prix de voyage aérien baissèrent au point que la concurrence air-mer fit pencher la balance en faveur de l’air. Les bateaux, pourtant économiques et moins énergivores, disparurent.

3. Conséquences: le tourisme de masse.

Dans les années 60 se développèrent des clubs de vacances du genre « Club Méditerranée » qui s’installèrent dans des pays où la main-d’œuvre était bon marché, le terrain accessible, les moyens de logement primaires, car ils se faisaient sous tente ou dans des huttes, mais l’atmosphère était détendue et agréable. C’était une révélation pour les gens de revenus moyens qui cherchaient le dépaysement. Il fallait acheminer cette nouvelle clientèle qui acceptait un certain manque de confort pourvu qu’elle trouve l’exotisme et l’animation. Les nouvelles firmes de charters louèrent des avions entiers, et le tourisme de masse prit un essor qui ne s’arrêta plus. On alla de plus en plus loin. On installa des clubs de vacances jusqu’en Polynésie Française, autrement dit sous nos pieds. On trouva de plus en plus de clientèle attirée par des incitants, dont l’attrait de la chair fraîche ne fut pas toujours étranger à cet engouement.

Evidemment, ce tourisme de masse a développé une économie dont il serait illusoire de croire qu’elle pourrait disparaître. Trop d’investissements y ont été faits, mais c’est une branche terriblement fragile de l’activité humaine. Il suffit d’un désordre politique local ou un cataclysme pour voir s’écrouler ces infrastructures et les emplois des travailleurs locaux.

Lors de la première guerre du Golfe, les organismes de tourisme dont l’activité principale était dirigée vers les pays arabes et musulmans, ont dû licencier une grande partie de leur personnel du jour au lendemain, car les carnets de commande étaient vides.

Souvenons-nous aussi de l’effondrement du tourisme en Egypte à la suite d’une seule agression de fanatiques contre un car de touristes allemands.

Et comme souvent, ces lieux de vacances se trouvent dans des pays où la protection sociale n’existe qu’à l’état embryonnaire, sinon comme vœux pieux, et les dégâts sociaux sont gigantesques.

4. Ce « tourisme de masse » favorise évidemment le tourisme sexuel et particulièrement la prostitution enfantine...

Dans les années 1970, chaque samedi de l’année, un Boeing 747 de la Lufthansa déversait environ 450 Allemands, mâles pour la plupart, dans la ville de Bangkok et venait les reprendre la semaine suivante. La moitié de ces braves gens revenaient porteurs d’une maladie vénérienne. L’autre moitié s’était adonnée à la pédophilie....ou les deux. C’était une des sujets de plaisanterie de la ville. Je ne l’ai pas inventé. On m’a dit que ce n’était pas fini. J’ai vu dans les bars des petites filles que les parents avaient confiées (ou vendues) à des tenanciers sans scrupules qui avaient promis de leur apprendre un métier pour ne plus être à charge de la famille. Toutes devenaient, après avoir été droguées, prostituées sous le couvert d’exercer le métier de masseuse, de barmaid, ou de danseuse, professions honorables en Thaïlande. Des jeunes garçons, que l’on différenciait difficilement de leurs petites collègues filles, faisaient partie du lot. Sans touristes, cette pratique n’aurait pas eu de sens.

5. ...et est un vecteur de propagation des maladies et de dissémination non désirée de la faune et de la flore:

Ai-je besoin alors de détailler le problème de la dissémination rapide des maladies?

Vers l’époque dont je vous parle, ma compagnie, après de longues années d’ostracisme, avait engagé comme commis de bord quelques homosexuels dont le travail était particulièrement prisé. Ils se distinguaient par leur service impeccable, leur gentillesse et leur prévenance pour les passagers qui étaient enchantés... sans savoir pourquoi.

Ces jeunes gens avaient, en voyage, des comportements à risques sous forme de rencontres et d’échanges. En escale, ils disparaissaient et ne se mêlaient pas aux équipages qui avaient une vie un peu grégaire.

En 1985, trois d’entre eux étaient déjà morts du sida. Il n’y avait pas deux ans que cette terrible maladie avait été décodée!

Il n’y a pas que le sida.

Deux de mes collègues ont été emportés par une fièvre hémorragique, du type « fièvre d’Ebola », à six mois de distance, fin des années 70.

Un rapport de l’OMS, paru dans son bulletin 08/2000, décrit le « paludisme aéroportuaire ». De 1969 à 1999, douze pays ont notifié 87 cas de paludisme chez des personnes vivant à proximité des aérodromes. (France 26, Belgique 16, Grande-Bretagne 14), sans compter tous les cas non répertoriés. Les moustiques prennent l’avion aussi!

En corollaire direct: Par l’aviation, la dissémination d’insectes et de plantes exotiques indésirables dans des régions qui sont hors de leur biotope d’origine est assurée.

En illustration je vous dirai que l’été passé, pendant la canicule, j’ai vu dans l’étang qui jouxte ma maison de Rixensart, trois tortues dites californiennes grandes comme des plats à barbe qui se prélassaient sur un tronc d’arbre à moitié immergé. Une foulque, dans le même étang, s’activait pour échapper à cet animal dont je voyais le sillage. Ces bestioles ont la sotte habitude d’attraper les oiseaux aquatiques par les pattes et s’en régaler au fond de l’eau. Ces tortues sont-elles venues à pied de leur lieu d’origine?

6. L’aviation a concouru à la disparition du trafic maritime des passagers:

C’est une évidence. La dernière fois que j’ai vu le paquebot « France » dans le port de New York, c’était en 1979. Déjà, à cette date, il n’y avait plus que deux bâtiments qui se partageaient le trafic transatlantique. L’autre était le « Queen Elisabeth ».

Depuis, le « France » a été vendu aux Norvégiens qui aujourd’hui voudraient s’en défaire (février 2005) et les « Queens » Elisabeth et Mary sont stationnées à HongKong et en Californie, et servent d’hôtel de luxe et de casino. Le paquebot « Queen Mary II », qui a été lancé l’an passé (2003) pourra peut-être survivre en faisant des croisières dans les Caraïbes, entre les ouragans. Elle montrera aux privilégiés combien on peut être pauvre dans les îles.

7. L’aviation mange des surfaces énormes de territoire et bouleverse nos paysages:

Je ne citerai qu’un seul exemple. C’est Roissy dit « Charles de Gaulle ». Cet aérodrome a englobé la superficie d’au moins deux villages agricoles. Il déborde de partout. Il occupe plus de quatre fois la surface de l’ancien aérodrome du Bourget. Le terrain est totalement bouleversé. Les terres cultivées il y a trente ans ont fait place à la caricature d’un paysage lunaire. Il n’y a plus une maison à des kilomètres. Des couloirs surélevés sillonnent le site... et s’effondrent parfois. Des réservoirs de millions de litres de pétrole s’y trouvent concentrés et des pipe-lines courent sous le béton qui couvre la majeure partie du lieu. Ses infrastructures englobent de centaines d’hectares.

8. Pourtant!

Je n’ai jamais compris que l’on n’explore pas plus des moyens bien moins énergivores, moins polluants, moins dépendants d’énormes infrastructures que l’aviation. Il y en a qui pourtant sont capables de transporter de grandes quantités de gens ou de marchandises, plus rapidement que le train (hormis le TGV), et là où le bateau ne va pas. Il a fallu l’accident du « Hindenburg » (le dirigeable allemand qui brûla en 1935) pour que l’abandon du « plus léger que l’air » soit décrété. Mais les choses ne sont plus pareilles. On ne gonfle plus les ballons dirigeables à l’hydrogène, mais à l’hélium. Les moteurs sont devenus plus fiables, puissants et légers. Le principe d’Archimède ne s’est jamais trouvé en défaut, à tel point que les Allemands viennent de fabriquer une grue qui soulève 70 tonnes et qui n’est qu’un ballon captif sous lequel on accroche la charge à lever!

Les infrastructures nécessaires pour ce genre d’engin sont dérisoires par rapport à celles qu’exige l’aviation. Le bruit serait concentré pendant la montée sur une surface réduite. L’énergie dépensée ne servirait qu’à la translation et pourrait être adaptée au trafic qui le demanderait. Il n’y a vraiment pas de nécessité de transporter du fret non périssable à la vitesse de l’éclair et la traversée de l’Atlantique pourrait parfaitement se faire en un jour et demi (6000 km : 200 km/h = 30 heures) Dans les pays dits « émergents », quelques hectares suffiraient pour les recevoir et on pourrait accéder aux endroits le plus reculés dans des configurations géographiques qui interdisent à l’aviation classique d’accéder sans changer les montagnes de place. La vitesse de ces engins serait parfaitement acceptable et on gagnerait énormément en souplesse et en temps. En tout cas, ce serait moins cher que le chemin de fer que l’on bâtirait dans des pays difficilement accessibles. Evidemment, il faudrait presque trois jours pour aller dans le sud-est asiatique. Mais, aujourd’hui, mes contemporains ne devraient-ils pas réapprendre la notion de distance totalement perdue?

V. Ouvrons les yeux.

Il n’est évidemment pas question d’empêcher les gens de voyager, mais ne pourrait-on pas de nouveau inciter les compagnies à adapter leurs tarifs au prix réel du service?

  • Taxons le kérosène pour éviter la concurrence déloyale, ou détaxons les combustibles qui devraient l’être: l’agriculture, le transport par eau et par rail pour les favoriser.
  • Rationalisons les transports. Le A380 en est déjà une sorte d’approche.
  • Adaptons les fréquences et les horaires pour regrouper les voyageurs qui se rendent d’un lieu à un autre. Interdisons d’aligner plusieurs vols au même moment pour les mêmes destinations ?
  • N’adaptons pas ces horaires aux desiderata des voyageurs aux mœurs douteuses. Ne favorisons pas les clients de la prostitution enfantine.
  • Tentons de freiner la transmission de maladies par la réinstauration des quarantaines. Elles existent toujours pour la marine.
  • Généralisons la désinfection des avions en provenance de pays infestés par les insectes vecteurs de maladies.
  • Incitons les personnes à ne pas envoyer inutilement des biens non périssables et pondéreux par des transports aériens rapides.
  • Ne protégeons plus les aérodromes mal placés et empêchons-les de s’étendre au détriment du bien-être des grandes villes.
  • Construisons les nouveaux aéroports loin des grandes agglomérations, dans des endroits favorables.
  • Etudions de moyens de transports moins gourmands en énergie.
  • Favorisons le renouveau du transport maritime de personnes.
  • Incitons à consommer des produits locaux et de saison.
  • etc...

Je compte sur l’imagination des consciences pour prendre le relais de cette énumération.

A l’époque où l’opinion publique se gendarme à propos des échappements de moteurs à combustion interne, elle accepte que le transport d’une trentaine de tonnes au-delà de l’Atlantique coûte aussi cher en énergie que le transport de quelques dizaines de milliers de tonnes sur le même chemin par mer.

En 2000, selon les sources que j’ai trouvées, la consommation de fuel des avions du monde entier était de 200 milliards de litres pour l’année écoulée. Qui dit mieux? Il est de notoriété publique qu’à haute altitude un réacteur pollue plus la couche protectrice de l’atmosphère que le moteur à combustion interne à la surface de la terre. Le CO2 produit ne sera pas absorbé par les végétaux terrestres, vu qu’il est séparé de ceux-ci par la barrière de la tropopause qui est la limite de l’atmosphère et de la stratosphère.

L’avion cargo ordinaire perd la plus grande partie du gain de vitesse en formalités d’enregistrement, de dédouanement, d’entreposage avant livraison. Une accélération du processus coûte à l’usager des sommes extrêmement élevées. C’est la justification actuelle des compagnies de fret rapides comme TNT, DHL, etc.

Or, il y a trente ans, le « France » traversait l’Atlantique du Havre à New York en cinq jours,

Ouvrons les yeux!

Jean Rigot, janvier 2005.

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